Chaque petit pas paraît si dérisoire au regard de l’horizon
En abordant mon chemin, je ne vois pas sa destination ultime, je ne la devine même pas. Je sais seulement que je vais à Assise. Je parcours ces nombreux kilomètres sans aucune visibilité directe de là où mènent mes pas. Ainsi en est-il du grand voyage de nos vies. Nous savons qu’il y a une destination après la mort, mais nous marchons au quotidien sans la moindre idée de cette destinée. Elle échappe à nos représentations. nous ne verrons vraiment qu’en expérimentant le jour venu.
Merci pour cette émouvante rencontre, ce soir, avec ce couple d’agriculteurs dans les Dombes ! Le voile derrière lequel chacun abrite pudiquement le plus beau et le plus sombre de sa vie n’a pas tardé à s’effacer, faisant place à un partage simple, vrai et profond sur nos vies, nos familles, nos enfants, cette chair de notre chair souffrante qui nous habite comme une deuxième nature. C’est un vrai mystère pour moi, cette confiance accordée à l’autre qu’on ne connaît pas. La vérité des êtres est-elle à ce point proche et impérieuse qu’elle affleure au moindre rayon de douceur ? J’ai écouté cette mère me confier le drame qu’elle vivait, sa profonde impuissance, sa douleur inconsolable. J’ai senti mon cœur envahi de compassion. Cette confidence a mis la route avec moi. Elle appelle ma proximité intérieure, ma prière et mon intercession auprès de celui qu’on a cloué sur une Croix en réponse à l’amour et à la liberté qu’il incarnait.
Chaque petit pas paraît si dérisoire au regard de l’horizon. Il est pourtant nécessaire à l’avancée. Chacun de mes actes quotidiens partage ce dérisoire, cet infime à l’aune de ma vie. Il vaut pourtant ce que chacun de mes pas vaut pour la progression de mon chemin. Quel mystère d’être ainsi à mi-chemin de l’infiniment grand et de l’infiniment petit.
La journée m’a offert de beaux sourires: celui d’un agriculteur perché sur son tracteur. Son visage s’est éclairé en me croisant et le salut de sa main trahissait la joie simple d’un homme au contact d’un de ses semblables. Celui de cette petite fille qui accourt vers moi en me tendant sa glace déjà bien entamée avec cette question : « T’en veux un peu ? »
Les sourires de ces rencontres inattendues et furtives avec un chevreuil, un lapin, un lièvre, un couple de faisans, des canards sauvages, des hérons, un lézard vert et des milliers de grenouilles et de moustiques. Et le sourire de cette petite luciole rouge dans l’église de Pérouges, signe de ta présence aimante au cœur de toute la création.
Chacun de ces sourires a provoqué une réaction à l’intérieur de moi : une joie, un brin de fraîcheur, une surprise émerveillée, un sentiment de reconnaissance pour l’amour reçu à travers ces rencontres. Avec cette journée, je mesure combien je peux moi-même induire du bon dans les autres quand je suis attentif à eux, et combien toute forme d’indifférence altère cette alchimie interhumaine faite pour le bon vivre ensemble.
Extrait de :
Petites dégustations spirituelles
Sur le chemin d’Assise
Michel Lamarche
Éditions Médiaspaul
« Le jour où j’ai appris l’existence d’un pèlerinage à pied qui allait d’Assise depuis Vézelay, j’ai su que c’était pour moi. Il y a comme cela quelques rares évidences dans l’existence, qui vous assaillent avec une force surprenante ». Un article dans le journal La Croix ranime chez un jeune retraité un vieux rêve d’adolescent fasciné par la figure de saint François : aller un jour à Assise. Le journal évoque un chemin récemment tracé pour se rendre à Assise sur 1500 kilomètres. C’est le témoignage d’un homme à la foi humble et balbutiante, en apprentissage de la vie avec Dieu, qu’on lira dans ce journal de bord attachant, où le prosaïque se mêle au mystique, la pesanteur à la grâce…
Notre pèlerin s’est fixé 4 objectifs :
– Bien vivre la dernière partie de sa vie, en la centrant davantage sur Dieu.
– Prendre un grand moment de solitude dans la nature pour apprendre à contempler Dieu.
– Rompre avec sa vie quotidienne, vivre dans une certaine forme de précarité et de simplicité pour développer sa confiance et goûter plus la présence de Dieu.
– Marcher dans les pas de saint François, devenir plus simple et fraternel, plus proche de Dieu et de sa création.
En confidence, l’auteur raconte comment ce chemin l’a déplacé !